Sans
doute faut-il ouvrir
cette
chronique sur un point vocabulaire.
Psychopathie:
état de déséquilibre psychologique
caractérisé par des tendances asociales sans déficit intellectuel
ni atteinte psychotique.
(Larousse)
Sociopathie:
trouble
de la personnalité caractérisé par le mépris des normes sociales,
une difficulté à ressentir des émotions, un manque d’empathie et
une grande impulsivité. (Larousse)
Ces
précisions lexicales balayées, faites entrer Deathko.
Deathko, héroïne dahku (dark) d'Atsushi Kaneko (Casterman) |
Deathko,
comme le précise le narrateur, ça sonne comme disco, sauf que notre
héroïne n’évolue qu’en noir et blanc et a un sens tout
particulier de la fête.
Une
cape noire, les yeux noircis, le goût du danger et un recours
démesuré aux grimaces, Deathko,
c'est un
mix
entre
Fantômette (mignonne héroïne de la Bibliothèque Rose) et le
fascinant pantin désarticulé des clips de l’Australienne Sia
(joué
par l’Américaine Maddie Ziegler).
Maddie Ziegler |
Deathko... à l’œuvre (Casterman) |
Deathko
est une ado gothique psychotique qui habite le château délabré de
Madame M et parle d’elle à la troisième personne. À leurs côtés,
Lee, chauffeur masochiste (à l'occasion chirurgien) amoureux de
Madame M et contraint par cette dernière de veiller sur Deathko
lorsqu’elle part en moisson. Parce que Deathko est une
tueuse à gages appartenant à la catégorie des reapers, les
moissonneurs, des êtres sans lien les uns avec les autres qui
semblent s’être donné le mot pour faire de chacune de leurs
tueries un bain de sang inspiration série Z. Cette troupe étrange répond aux ordres de la Guilde, une instance mystérieuse qui
met régulièrement à prix la tête d’individus malveillants.
Deathko et quelques reapers (Casterman) |
Qui se cache derrière la Guilde ? Quelles sont ses motivations ?
Du
mystère en-veux tu en voilà, le premier étant ce choix de graphie
faisant de Deathko une quasi éponyme (à une consonne près, doit-on
chipoter ?), alors qu'en japonais le titre de la série et le nom de
son héroïne
s’épellent
de la même façon, à savoir : de-su-ko (デスコ
).
Reprends donc un peu de k.
En
japonais, on pourrait dire de Deathko qu’elle est kawaii
(si
mignonne avec sa dégaine de petit chaperon rouge métalleux,
sa chauve-souris dégingandée dépressive et ses grappes de ballons
noirs),
kakkoii
(elle
est cool : ses armes sont ses jouets, ses jouets sont ses armes ;
elle trucide des malabars sans prendre la peine d’enfiler
correctement ses chaussures, tout en enchaînant les pitreries et en
ça elle nous rappelle Buffy, la tueuse de vampires, elle-même
incapable de renoncer à un bon mot tandis qu’elle se débarrasse
d’un monstre vraiment-vilain-très-dangereux, faut-il mettre ce
type de comportements sur le compte de la nervosité ? Je
m’interroge.) et kuroi
(Deathko
est sombre : elle n’aime personne, le proclame, et elle est
régulièrement aux prises avec les nuages noirs qui se forment
au-dessus de sa tête).
Mangaka
et réalisateur quinquagénaire, Atsushi Kaneko déclare s’inspirer
en
priorité
des
techniques de la musique, du cinéma, voire de la bande dessinée
américaine, plutôt que du style d’autres mangakas (exception
faite pour le maître de l’eroguro — érotico-grotesque — Suehiro Maruo qui compte parmi ses sources d’inspiration déclarées). En
résulte un dessin épuré et profond, des jeux d’ombres d’où se
dégagent des visages grimaçants.
DEATHKO ! (Casterman) |
Si
jusque là la narration tenait le lecteur grâce à des personnages
délicieusement hors norme, reposant malgré tout sur des cliffhanger
attendus
(Deathko va-t-elle survivre d'ici le prochain tome ?), ce sixième
et avant dernier épisode sorti en France le 14 février
brouille plus sévèrement les pistes. Identités, temporalité,
hiérarchie, les repères explosent et l'on attend avec une
impatience non feinte le septième tome. Trick
or treat?