À
la suite de l’onctueux Mimikaki, l’été du Lézard Noir
est marqué par un second recueil de tranches de vie, cette fois
signé par Keigo Shinzō, également auteur de la série pour jeunes adultes Tokyo Alien Bros.
Le
jeu de mots m’aurait échappé, il échappera probablement à la
majorité des lecteurs ; Wikipédia m’explique qu’une
jonction de Holliday (Holliday junction en version
originale) est une jonction mobile entre quatre brins d’ADN.
Intermédiaire lors du processus de recombinaison génétique, elle
serait essentielle au maintien de l’intégrité du génome. Je devrais me sentir moins bête, sauf que... non.
Les
sept récits du recueil mettent en scène des duos : proches et inconnus, un chat et son maître. Jonctions et séparations. Ces croisements se placent
sous le signe de la langueur et du loisir.
Le trait rappelle celui d'Inio Asano (Solanin). C'est pourtant Tayō Matsumoto, l'auteur de la série douce-amère Sunny, que Shinzō cite comme modèle indépassable. On
retrouve donc ce désir de créer des ambiances sur des
non-évènements, en creux. Comme chez Matsumoto, il y a l'envie de
saisir l'indicible dans l'anodin. Mais à l'inverse du maître,
Shinzō ne fait pas toujours mouche et les tranches de vie se suivent
sans se répondre.
Si
je me suis retrouvée dans
la justesse de Courage,
Yoichi et dans la
mélancolie d’Une
année dans la vie de Bunbun, chat domestique,
j’ai eu plus de mal avec d’autres histoires. Certains de ces
fragments ont glissé sur moi (quoi de pire que de se dire que l'on
passe à côté de ce qui rend l’œuvre… oeuvresque
?), d'autres m'ont
gentiment dérangée.
Le
fait est qu'Holiday
Junction m'a
perdue. Le coupable ? Ce deuxième récit, Je
déteste les jolies filles, qui
met en scène un vingtenaire amouraché d’une enfant de dix ans.
J'attends d'une fiction qu’elle me pousse dans mes retranchements
et je fais le distinguo entre un sujet et son traitement (la première
saison
de Top
of the Lake
compte parmi les meilleures séries qu’il m’ait
été donné de voir). En tous points, Keigo Shinzō prend le
parti de la zone grise et cette neutralité narrative me gêne. Sans
juger la qualité de la création, je déteste ce que cette histoire
(dans son fond, mais plus encore dans sa forme) me dit de la société
japonaise. Je
déteste les jolies filles
me
renvoie au malaise ressenti en visionnant l'excellent documentaire
Tokyo
Idols de Kyoko Miyake et ce récit arrivé trop tôt, je ne suis pas parvenue à maintenir une
curiosité bienveillante pour la suite du recueil.
Je
n’avais pas particulièrement accroché à Tokyo Alien Bros.
Je n’étais pas la cible. Pour des raisons plus délicates, plus
personnelles, je referme sans regret ce Holiday Junction.
Holiday Junction
de Keigo Shinzō, Le Lézard noir
Traduction du Japonais d'Aurélien Estager
204 pages
Sorti en juin 2018
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