Et
ma première exposition à Tokyo —
seulement cinq mois après
mon arrivée — s'intitule : Toilettes ?!
Les déchets humains et l'avenir de la Terre. Parce que comme
l'énonce l'introduction de l'exposition présentée à ce moment au Miraikan à
Odaiba1,
« la défécation est une preuve de vie ». Et que la vie,
c'est plutôt sympa (même s'il me semble qu'en mourant, il arrive
aussi que... bref). Le musée national des sciences émergentes et de l'innovation japonais professe
qu'il est temps de « parler librement et ouvertement des
toilettes ». Soit.
Image de l'exposition du Miraikan |
Si
défécation et miction sont de bien jolis mots, je ne me souviens
pas avoir été sensible à l'humour pipi-caca. Je me souviens par
contre de ce petit message plein de bon sens placardé dans le
bâtiment où étaient organisés les cours de sécurité routière
quand j'avais une dizaine d'années. L'endroit était dédié jusque
dans ses moindres recoins à l'initiation à la civilité :
« Quand
tu fais pipi, si tu éclabousses, sois gentil, essuie. »
La
pertinence d'un post évoquant les toilettes peut sembler
discutable. D'autant que le sujet arrive assez tôt, et pas en pleine
traversée du désert inspirationnel. Lors de mon premier passage à
Tokyo, j'avais voulu visiter le showroom de TOTO,
la marque à l'origine du Washlet2
— mais à la place, je m'étais perdue. Mon intérêt n'est
donc pas nouveau mais le jour où je suis tombée sur un WC —
public — dont la lunette était recouverte d’une moquette bleu
layette, la nécessité d'évoquer le sujet s'est imposée à moi.
Gage
de l’intérêt du sujet, Wikipédia
consacre une longue page aux toilettes japonaises et Google me
propose de parcourir quelques 32 000 entrées associées. Comment ce
pays parvient-il à faire cohabiter des petits coins magnifiquement
improbables,
de très sommaires — ou, disons-le, complètement dégoûtantes —
toilettes à-la-turque-à-la-japonaise, des lunettes ornées de
moquette, et le Washlet, un WC suffisamment extraordinaire
pour avoir un petit nom et dont la mission est, selon le site internet de son créateur, de
révolutionner l'hygiène ?
Quand
je parle des toilettes nippones que ce soit avec les autochtones ou
avec des gaijins, personne ne semble indifférent : le
japonais approuve, à peine surpris, mon intérêt et l'étranger se
fend d'une anecdote souvent cocasse. Il m'est pour ma part arrivé
d'envisager de passer une heure au petit coin à défaut de
parvenir à déterminer si ce capteur de mouvement servait à activer
la chasse d'eau ou à signaler que j'étais en train de faire un malaise.
Ici,
on peut acheter à boire tous les 20 mètres et soulager gratuitement
sa vessie tous les 50 (que ce soit dans les stations de métro, à
chaque étage des depāto3
ou dans la plupart des konbini). Si l'on en croit la pyramide
des besoins développée par le psychologue Abraham Maslow4,
il n'y a pas grand-chose de plus cool que de pouvoir pisser n'importe
où et n'importe quand. Et on s'habitue très
vite à ce genre de luxes. Je passe donc mon temps à boire mais ce
que j'ai gagné en confort, ma vessie l'a perdu en endurance. A
Tokyo, l'incontinence me guette.
"I couldn't use the toilet because it's too danger ... " (Image de l'exposition) |
Mon
intérêt m'amène à ressentir une véritable curiosité pour les
toilettes de chaque endroit où je me rends. Vais-je trouver la
feuille de papier toilette pliée en forme de flèche ? Y aura-t-il un
détecteur de mouvement permettant de faire se lever le couvercle ou
de déclencher la chasse d'eau automatiquement ? Un siège
chauffant ? De la musique de princesse [sic]
supposée couvrir mes bruits ? Un jeu de lumière polychrome ?
Ami tokyoïte : dis-moi comment sont tes toilettes, je te dirai
qui tu es.
Copyright Miraikan |
L'exposition
d'Odaiba m'a notamment appris que je ne dis pas assez merci à mes
toilettes, que j'ai de la chance d'être encore en mesure de m'y
rendre seule et de ne pas avoir à faire mes besoins dans un sac
plastique. Je connais maintenant la forme de l'étron parfait et
après avoir eu l'opportunité de recréer en pâte à modeler mon
dernier caca, j'ai descendu un toboggan intégré à un WC géant.
Enfin, j'ai écouté un concert de cuvettes de WC chantant en cœur
une ode à.... à... à quoi d'ailleurs ? J'aurais parlé japonais, j'aurais pu vu vous le dire mais là, mon seul commentaire sera : Ouaiiiiiiiiis, c'était vraiment
mignon !
Image de l'exposition du Miraikan |
1Odaiba
est une île artificielle située dans la baie de Tokyo.
2Selon
le site de la marque : Le WASHLET est le produit phare de TOTO.
Lancée en 1980, cette innovation a révolutionné le sanitaire dans
tout le Japon. Le WASHLET a amélioré l'hygiène grâce à son
système de lavage à eau chaude associé à de récents progrès
dans la purification de l'air, les fonctions automatisées, etc.
3Depāto
(デパート)
ou depātomento
sutoa
(デパートメントストア),
de l'anglais department
store,
est le terme japonais
désignant les grands magasins.
4
Maslow a présenté au début des années 40 une pyramide des
besoins des individus. Cette pyramide est composée de cinq étages
allant de la satisfaction des besoins physiologiques (faim, soif,
sexualité, respiration, sommeil, élimination) comme base de la
pyramide à celle de l’accomplissement de soi. Voir plus sur
Wikipédia.
"Depàtomento sutoa" ça sonne comme du Basque "Herriko etxea" "Turismo Bulegoa" mais ça n'a rien à voir....Brève de comptoir!
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