Éphèbes et nymphettes, jetables et interchangeables ; le phénomène des idoles existe au Japon depuis les 60’s et serait inspiré de nos poupées yéyé. Mais lost in translation, quelque chose s'est perdu dans la traduction : l'aïdoru a muté. Médiatisation maximale, créativité toute relative ; la créature a engendré un trou noir culturel absorbant une scène indépendante pourtant vivace.
A défaut d'avoir des choses à dire, ces jeunes gens monopolisent l'espace. Vidéos diffusées en continue sur les écrans géants de la capitale, titres matraqués par des camions promotionnels ; ils seront également présents dans n'importe quel programme télé où, s'ils ne dégustent pas un ramen dans la dernière gargotte à la mode, on les mettra en scène pour gagner le cœur de l'adolescente qui sommeille en chaque spectateur.
Avec sa soixantaine de membres divisée en quatre équipes, ses émissions télé et sa déclinaison interminable de produits dérivés, AKB48 est le Godzilla du marché. Né dans l'esprit de Yasushi Akimoto, producteur de films d'horreur à ses heures perdues, le groupe collectionne les records de ventes nationaux et internationaux — fait d'armes d'autant plus admirable qu'un de leurs singles s'intitule Golden Retriever.
Mercato intra-équipes et "groupes-sœurs" — quand on tient un bon filon, il serait idiot de ne pas le décliner —, ses effectifs fluctuent au gré des saisons et des petits scandales (Wikipédia en propose un résumé, je vous l'épargne). Si elles ne sont pas renvoyées au rang de stagiaire, les exclues sont pudiquement “diplômées”. Précarité et autonomie réduite à rien, le statut n'a rien d'enviable mais il continue à faire rêver.
A défaut d'avoir des choses à dire, ces jeunes gens monopolisent l'espace. Vidéos diffusées en continue sur les écrans géants de la capitale, titres matraqués par des camions promotionnels ; ils seront également présents dans n'importe quel programme télé où, s'ils ne dégustent pas un ramen dans la dernière gargotte à la mode, on les mettra en scène pour gagner le cœur de l'adolescente qui sommeille en chaque spectateur.
Avec sa soixantaine de membres divisée en quatre équipes, ses émissions télé et sa déclinaison interminable de produits dérivés, AKB48 est le Godzilla du marché. Né dans l'esprit de Yasushi Akimoto, producteur de films d'horreur à ses heures perdues, le groupe collectionne les records de ventes nationaux et internationaux — fait d'armes d'autant plus admirable qu'un de leurs singles s'intitule Golden Retriever.
Mercato intra-équipes et "groupes-sœurs" — quand on tient un bon filon, il serait idiot de ne pas le décliner —, ses effectifs fluctuent au gré des saisons et des petits scandales (Wikipédia en propose un résumé, je vous l'épargne). Si elles ne sont pas renvoyées au rang de stagiaire, les exclues sont pudiquement “diplômées”. Précarité et autonomie réduite à rien, le statut n'a rien d'enviable mais il continue à faire rêver.
Pour
ceux qui ne souhaitent pas apprendre grand-chose de plus, voici une
excellente interview en anglais de Tomomi 'Tomo' Itano, l'une des
principales icônes du groupe.
Alors non, l'Occident n'a pas été épargné par les groupes-concepts. Au commencement était le boys band, de sa cuisse est né le girls band. Plus tard est arrivée Britney Spears vendue en kit, virginité incluse. Pour autant, le Japon reste LE pays du groupe-produit. Ici, l'idole est livrée prête à l'emploi, avec sa fiche d'identité indiquant date et lieu de naissance, poids, groupe sanguin et hobbies (généralement la cuisine et le shopping).
Parler des idoles, c'est aussi parler de leur public. Alors que Natsumi, une de mes élèves fan d'AKB48, m'expliquait que son mari et elle soutenaient chacun leur chanteuse préférée — certaines chanteraient pour de vrai — comme d'autres le feraient pour une équipe de foot, d'où vient cette image du fan japonais déséquilibré ? Est-ce seulement un fantasme d'occidental suspicieux devant un enthousiasme inattendu ?
Le fait est que la fiction japonaise participe à véhiculer l'image d'un fan influençable et perturbé. Quatre ans avant la création d'AKB48, les personnages du Suicide Club de Sono Sion suivaient les instigations subliminales de Dessert, mignonnes pré-ados invitant les masses au suicide. Chez Takeshi Kitano, l'un des personnages de Dolls se crève les yeux pour pouvoir approcher Haruna, ex-chanteuse à succès défigurée qui s'est exclue du monde. La réalité ne dépasse pas la fiction mais elle lui fait honneur. Les faits divers rapportés ici et là confirment l'impact disproportionné que ces objets de divertissement peuvent avoir sur un public — ici peut-être plus souvent qu'ailleurs — fanatique.
Moi-même, je ne suis pas totalement épargnée : je me suis entendue chanter le refrain d'une chanson d'AKB48 au karaoké, et si je préférerais les détester, certains de ces produits me plaisent plus que je ne peux l'avouer.
Parler des idoles, c'est aussi parler de leur public. Alors que Natsumi, une de mes élèves fan d'AKB48, m'expliquait que son mari et elle soutenaient chacun leur chanteuse préférée — certaines chanteraient pour de vrai — comme d'autres le feraient pour une équipe de foot, d'où vient cette image du fan japonais déséquilibré ? Est-ce seulement un fantasme d'occidental suspicieux devant un enthousiasme inattendu ?
Le fait est que la fiction japonaise participe à véhiculer l'image d'un fan influençable et perturbé. Quatre ans avant la création d'AKB48, les personnages du Suicide Club de Sono Sion suivaient les instigations subliminales de Dessert, mignonnes pré-ados invitant les masses au suicide. Chez Takeshi Kitano, l'un des personnages de Dolls se crève les yeux pour pouvoir approcher Haruna, ex-chanteuse à succès défigurée qui s'est exclue du monde. La réalité ne dépasse pas la fiction mais elle lui fait honneur. Les faits divers rapportés ici et là confirment l'impact disproportionné que ces objets de divertissement peuvent avoir sur un public — ici peut-être plus souvent qu'ailleurs — fanatique.
Moi-même, je ne suis pas totalement épargnée : je me suis entendue chanter le refrain d'une chanson d'AKB48 au karaoké, et si je préférerais les détester, certains de ces produits me plaisent plus que je ne peux l'avouer.
L'autre soir, je dinais avec Seijo, un de mes anciens élèves chargé de clientèle chez Dentsu, la plus grosse agence de publicité du pays. A l'époque, il m'expliquait que son patron lui avait proposé de réfléchir à un nouveau concept pour ce marché déjà saturé. Après AKB48, les BABYMETAL, trois délicieuses enfants réclamant du chocolat sur une nappe sonore bruyante et plus récemment Chubbiness, dont les membres sont contractuellement tenues de ne pas perdre de poids... Cher Japon, quel est l'avenir de tes idoles ?
Le cynisme ayant fini d'infuser en moi, j'ai trouvé. Et au risque d'y perdre mon âme, j'étais impatiente d'en discuter avec lui. Parce qu'un léger défaut est nécessaire pour rendre la perfection vraiment engageante, au pays du hentai, la clé est dans la perversion qui ne dit pas son nom. Ici, avoir les jambes arquées, les dents en bataille et une compresse qui recouvre l’œil peut être considéré comme charmant, voire sexy. Le Japon réclame un freak show mignon. Par chance, la seule chose qui intéressait Seijo le soir de nos retrouvailles, était de fixer une date à laquelle nous coucherions ensemble. Ce n'est donc pas demain que je perdrai mon âme à monter un groupe d'idoles handicapées. Dommage.
Vestales des temps modernes dont la pureté se veut garantie par le contrat qui les lie à leur producteur, les idoles japonaises sont probablement les gardiennes d'un temple. Reste à déterminer le temple de quoi.
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