Chercher du travail
au Japon me renvoie à mes années de jeune diplômée. Partir de presque zéro parce que jusque-là, CV et lettres de
motivation n'ont servi qu'à dégoter des jobs saisonniers ou à justifier la mission de gratte-papier
obtenue par piston. Je ne parle pas la langue et le CV japonais est
encore un mystère : je (re)pars de presque zéro.
D'ailleurs,
à part l'envie de voir de plus près le monde des salarymen,
quelles sont mes motivations ?
Mes
cours de français me suffisent pour vivre mais mon visa expire en
mars.
Et comme je n'ai ni les moyens ni l'intention de payer une école de
langue à 5 000€ ou d'épouser Superhiroya,
il faut que je trouve une entreprise qui sponsorise mon
visa. Jusqu'au Japon, on attend de moi que je
renonce à l'insouciance.
Et
là se posent les questions qui se sont posées au début de
ma vie active : A qui et en quoi puis-je être utile ? A
l'époque, je n'avais pas trouvé de réponse mais j'avais dissimulé mes doutes. J'étais devenue attachée de presse, mieux :
consultante relations presse. Si j'avais un titre, c'était bien que
j'avais une place. Les années passant la question est devenue un peu
plus complexe : A qui et en quoi ai-je envie de me rendre utile
?
Je
ne sais pas pour vous mais pour moi, la question reste en suspens.
Vouloir
rester au Japon m'amène à être un peu moins exigeante. Au moins
pour un temps. Parce que pour trouver une entreprise qui sponsorise son
visa, le gaijin a deux options : être ingénieur ou enseigner
l'anglais. Entre les deux, mon cœur balance.
J'ai donc rendez-vous au centre d'aide à l'insertion professionnelle des étrangers de Shinjuku. J'y vais par acquis de conscience. Je ne pense pas que l'on puisse tirer quoi que ce soit de ce genre de services... A part peut-être une tasse de café soluble et des prospectus que je ne lirai pas.
Qui
plus est, on m'a dirigée vers le centre réservé
aux détenteurs d'un Visa Vacances-Travail. Quand j'ai demandé si je
devais amener un CV, on m'a répondu que ma carte de résident et mon
passeport suffiraient. Le temps partiel au
fast
food
me
tend les bras.
J'arrive
un peu en avance. Je m'attendais à
trouver quelques bénévoles bienveillantes portant des pulls angora dans une petite salle obscure, c'est
en fait tout un rez-de-chaussée qui est occupé par l'agence. Ambiance
ANPE-hall de gare, des salariés, pas de café soluble.
Une
interprète m'accueille et me fait remplir une fiche d'identité : nom,
coordonnées, âge. Rien de très pertinent pour parvenir à
m'aiguiller. Il est 9h59, mon rendez-vous est à 10h, je suis appelée au bureau numéro 11.
Ma
conseillère s'excuse de ne pouvoir garantir qu'ils me trouveront un emploi. Je suis tentée de lui dire
que je ne m'attends pas à ce qu'ils me trouvent quoi que ce soit. Son implication semble sincère, je me contente de dire que comprends.
Et
puis il y a aussi ce problème lié au fait que, selon ses papiers, un Français titulaire d'un Visa Vacances-Travail ne
peut le transformer en un visa de travail classique. Ce n'est pas
tout à fait vrai mais effectivement, ça reste un problème annexe. Il
faudra quand même aller voir son collègue qui-a-plein-de-connaissances. Il est
au bureau d'à côté et il aura surement des réponses. Soit.
Elle
me demande quels sont mes diplômes, si j'ai déjà travaillé en
France et ce que je sais faire.
Suis-je
sûre de ne pas vouloir travailler dans un restaurant ? Et dans une
usine ? Parce qu'elle aurait peut-être quelque chose à me
proposer... Je me sens un peu ingrate de lui expliquer que si l'usine
est ma seule option, il vaudra peut-être mieux rentrer en
France.
Donc,
non, ils n'ont rien pour le moment.
10h30,
allons voir le puits de science qui aura des réponses à ce problème
de visa qui n'en n'est pas vraiment un.
La
soixantaine, un physique qu'on oublie. Je
m'assois à son bureau, il ne me salue pas et s'adresse à
l'interprète sans me regarder. Je n'existe plus vraiment.
Donc
lui, son domaine c'est le juridique, une fois qu'un employeur a
initié les démarches pour sponsoriser son futur salarié. Il
me fait passer une copie du dossier à remplir. Ça ne m'est pas
d'une grande utilité mais il faut bien justifier notre entrevue.
"
– Malheureusement, la notice est en japonais et nous n'avons
pas de traduction.
– Peut-être
que je trouverai en ligne ?
– Non,
vous ne trouverez pas.
...
– Et
puis entrer au Japon avec un Visa Vacances-Travail et un visa de
travail ce n'est pas la même chose.
–
... Oui mais je
pensais que l'un pouvait mener à l'autre...
– Oui,
mais ce n'est pas si simple. Et je suis désolée
de vous dire ça mais votre niveau de japonais n'est pas suffisant
pour travailler dans un bureau."
Mais
pourquoi est-il aussi méchant ?
Street-level
bureaucracy. Je vais te dire des trucs désagréables qui ne
vont te servir à rien, parce que ça fait partie de la poignée des
trucs amusants qui sont compatibles avec mes attributions.
Je
voudrais partir. Maintenant. Je demande si nous en avons
fini.
Non,
il a encore une question pour moi. Il me regarde enfin. Il sourit.
" – Est-ce
que vous aviez des difficultés pour trouver un emploi en France ?
...
– Non.
– Alors
vous aimez le Japon.
– Oui.
– Merci."
Il
sourit, ce con.
Sans bien comprendre ce qui se passe, je suis debout.
10h44, les larmes sont montées avant que j'ai réalisé quoi que ce soit. Je suis bien censée être cette personne sur qui tout coule, non ? D'ailleurs, c'était quand la dernière fois que j'ai pleuré ? Un an en arrière ? Peut-être plus. Je vomis et je pleure rarement, ce sont deux de mes principes de fonctionnement.
Alors
que je suis en train de renifler en plein courant d'air, l'interprète
vient vérifier que je vais bien.
"– Il était
si violent... Et tout ce qu'il m'a dit, je le savais déjà.
–
Il ne
voulait pas être méchant. Il est très direct, il est comme ça avec tout le
monde. Il travaillait à
l'immigration avant.
– Mais son job, c'est pas de conseiller
?"
Elle hausse les épaules, me redit combien elle est désolée. Il fait froid, abrégeons nos souffrances. Je force un sourire, lui répète que je vais bien et la quitte.
11h09,
je suis encore en train de renifler dans le métro. Un
fonctionnaire aigri m'a fait pleurer et l'un des problèmes majeurs de ce pays est que l'on ne peut pas se moucher dans le métro.
Police
de la coquille, merci de me contacter
en cas de besoin !
Bon courage ;) Je suis également passé à ce bureau pour voir si ça me permettrait de trouver un travail via mon vacances-travail... C'est effectivement pas mal ambiance ANPE, on nous enregistre, nous donne une carte d'identification avec un numéro et ensuite à la maison on cherche via leur site... Eux à la limite peuvent ensuite appeler les entreprises qui ont des jobs qui nous intéressent potentiellement pour négocier pour nous un rendez-vous (c'est mieux que rien mais bon...). Le fait est aussi qu'ils disent que pour nous français on peut pas faire tout un tas de type de travail et qu'on ne peut pas faire changer notre visa (ça serait réservé aux allemands et un ou 2 autres dont j'ai oublié la nationalité...)
RépondreSupprimerAu final j'ai fini par trouver via gaijin pot... Et cette semaine je suis passé à l'immigration pour faire changer mon visa en visa de travail avec à l'appui sponsor de mon entreprise actuelle... Verdict dans un mois...
J'espère en tout cas que tu te trouveras vite un truc, 3 mois passent tellement vite ><
Bonjour Agathe,
RépondreSupprimerJe suis attachée de presse junior à Paris en train de préparer mes papiers pour un pvt d'un an à Tokyo. Tes articles me balance entre un sentiment d'espoir sur ma future année et parfois de perplexité sur tout ce qui m'attend.
Pourrions nous entrer en contact ? J'ai des questions pratiques, utiles peut être même stupide ... je ne sais pas trop .
Besoin inexplicable de partager avec un interlocuteur comme toi